Conte du fruit d'or d'Olmaksoum
Au pays d'Olmaksoum, il était inconcevable que le nectar du Soleil soit absorbé par n'importe qui. Seul le roi et ceux auquel il accordait ce privilège pouvaient savourer le divin breuvage. Jamais Yamila n'aurait pensé un jour remettre en question cet ordre des choses. Jusqu'à ce voyage. Tout était différent à Larentor, où l'on partageait de la façon la plus équitable les merveilleuses sphères orangées. Les Larentoriens écarquillaient les yeux ou éclataient de rire à l'idée qu'il puisse en être autrement - Quelle farce Yamila! Qui pourrait gober ça?
Aussi quand Yamila rentra à Olmaksoum, elle dissimula dans ses sacs autant d'oranges qu'elle put. Elle avait peur. Nakhal était un roi souriant en apparence mais capable de vous faire décapiter pour beaucoup moins que ça. Par bonheur les yeux brillants de Yamila et son lumineux sourire avaient le magique pouvoir d'endormir toute suspicion et la jeune femme rentra sans encombre chez elle, où elle fonda la société secrète des Orangeariens. A cette époque à Olmaksoum de nombreuses sociétés secrètes voyaient ainsi le jour: Yamila n'était pas la seule à trouver qu'il y avait quelque chose de pourri en ce royaume.
Les Orangeariens plantaient leurs arbres et organisaient de joyeuses fêtes où le bienfaisant liquide coulait à flot, provoquant rires, chants, danses et une irrésistible joie de vivre qui leur conférait une bien étrange énergie dans un environnement plutôt morose.
Rires et chants ne sont choses discrètes et trop vite la société secrète se fit connaître, suscitant l'enthousiasme des foules. Nakhal frémit, rugit, ordonna qu'on punisse sans pitié cette hérésie. La dernière heure des Orangeariens avait sonné. Comment ces pacifiques et pauvres bougres pourraient-ils tenir tête à un roi - et surtout à ses soldats?
De partout pourtant la résistance s'organisa. On rassemblait les fruits comme autant de munitions. Les sociétés secrètes avaient toutes répondu à l'appel. Le bruit du massacre à venir se répandait et les Olmaksoumiens étaient nombreux à accourir pour tenter de l'empêcher.
Malgré cela, lorsqu'ils virent l'armée marcher sur eux, tous pensèrent que c'en était fini. Cette fois ce serait leur sang et non le jus des fruits qui coulerait.
Un enfant prit alors sa munition et s'avança vers le presse-orange - puisque tout était perdu il voulait sentir une dernière fois sur son palais l'incomparable saveur. Il en avala une gorgée et s'écria: "Soldats, avant de faire éclater, d'écrabouiller ces merveilles, saisissez votre chance, goûtez à ce fruit qui vous est interdit."
Les soldats le regardèrent interloqués. Jamais ils n'avaient désobéi à Nakhal. Mais ce fruit défendu, ils en avaient tant rêvé... L'un d'eux posa son arme et s'approcha de l'enfant. Bientôt tous l'imitèrent. Et la plus merveilleuse, la plus inoubliable des fêtes qu'Olmaksoum ait connu commença alors.
Cardamone
pour l'atelier d'écriture de Leiloona